Une descente en Ligue 2 serait une catastrophe industrielle
Jacques Rousselot – Président AS Nancy-Lorraine – Décembre 2012
Le système de ligue ouverte tel qu’il existe en France expose 15% des clubs de Ligue 1 à une relégation. Les structures budgétaires des clubs de Ligue 2 sont très différentes de celles des clubs de Ligue 1 avec des revenus plus faibles de 85% en moyenne. Les clubs relégués n’ont d’autre choix que de se réorganiser structurellement afin de s’adapter au nouveau marché dans lequel le système les contraint à évoluer.
C’est pourquoi l’impact économique d’une relégation est généralement qualifié de catastrophe industrielle pour les clubs concernés. Lors des trois dernières saisons, les clubs rétrogradés ont vu leur budget se réduire de moitié. L’ensemble des sources de revenus s’en trouve impacté.
Diminution des revenus de droits de diffusion télévisuelle. Les sommes distribuées par la LFP aux clubs de Ligue 2 sont moindres en raison du plus faible impact médiatique des matchs de ce championnat.
50% des montants reversés aux clubs de Ligue 1 sont des montants variables. Cette répartition favorise les clubs installés dans l’élite depuis de nombreuses saisons et les clubs les plus performants.
La diminution des droits TV en cas de relégation est donc d’autant plus importante lorsque le club est concerné par au moins un des deux axes de variabilité des droits TV de Ligue1.
Diminution du revenu de la billetterie. La moindre attractivité du championnat de Ligue 2 se traduit par une diminution de 34% de la fréquentation du stade la saison suivant la relégation.
Par ailleurs, les clubs étant contraints d’ajuster leurs tarifs en fonction du marché de la Ligue 2, la billetterie est confrontée à un effet prix défavorable.
Ce double effet est confirmé par les écrits de Dobson et Goddard en 1995 puis de Garcia et Rodriguez en 2002, qui démontrent que l’élasticité prix de la billetterie dans le football professionnel est très inférieure à 1.
Diminution du revenu sponsoring. Comme nous l’avons vu précédemment, la relégation en championnat de Ligue 2 entraîne une plus faible exposition médiatique. Pour les sponsors, cela se traduit directement par un plus faible taux de couverture de leur marque.
C’est la raison pour laquelle les sponsors couvrent leurs risques en négociant une clause de revalorisation du montant du sponsoring en cas de relégation, ou en s’engageant à court terme.
La relégation fait subir aux clubs une diminution de la moitié de leurs revenus. Ils n’ont alors pas d’autre choix que de s’adapter en diminuant très significativement leurs charges, à commencer par leur principal coût : la masse salariale.
Pour autant on constate que la restructuration de la masse salariale est difficile à mettre en place. Sur l’échantillon de clubs analysé, elle diminue systématiquement moins vite que les revenus (baisse de 38% alors que dans le même temps les revenus chutent de 46%).
La masse salariale d’un club relégué représente 93% de son chiffre d’affaires lors de sa première saison en Ligue 2. Difficile de dire si cette forte contribution de la masse salariale est volontaire et correspond à un choix de garder les meilleurs éléments de son effectif pour remonter rapidement en Ligue 1, ou si cette diminution est subie et correspond à une difficulté à adapter sa masse salariale.
Deux éléments peuvent nous laisser penser que cette situation serait davantage subie par les clubs :
- La stratégie de maintien d’une forte rémunération ne s’est pas avérée payante : aucun club relégué ces 3 dernières saisons n’a été promu la saison suivante.
- La valeur relative de la masse salariale lors de la deuxième saison en Ligue 2 (77%) tend vers celle du marché de la Ligue 2 (78%). A noter que pour cette analyse nous avons retraité les cas spécifiques du RC Lens et de l’AS Monaco qui ont vu un investisseur étranger arriver au capital lors de leur deuxième saison en Ligue 2.
Tous les clubs ne sont pas égaux devant le risque de relégation. Le dernier rapport de la DNCG met en évidence que ce risque concerne principalement les clubs de Ligue 1 dotés d’une masse salariale inférieure à 20M€.
Lors de notre prochain article nous évoquerons comment une politique de rémunération efficace permet aux clubs d’anticiper la réduction de leur masse salariale en cas de relégation, afin d’espérer remonter rapidement au sein de l’élite, sans compromettre leur continuité d’exploitation.
