Dans le cadre de notre travail quotidien auprès des clubs, nous sommes régulièrement confrontés aux enjeux de la promotion, du maintien et de la relégation. Tous sont à la recherche de bonnes pratiques, d’analyses et de données historiques pour étayer leur stratégie afin d’atteindre l’élite et/ou s’y maintenir. Nous avons ainsi eu récemment une discussion avec la direction sportive d’un club concerné. Cette direction souhaitait obtenir, lors de l’élaboration de son budget 2018-19, un argumentaire rationnel pour convaincre sa Présidence de la nécessité d’augmenter sa masse salariale pour perdurer dans l’élite. Elle nous a donc consulté pour obtenir les bonnes pratiques que nous avions pu relever en France mais aussi à l’étranger dans le cadre de notre activité. Nous avons souhaité poser par écrit le fruit de notre analyse détaillée pour faire bénéficier de notre expertise au plus grand nombre. En voici l’introduction.
De prime abord, l’influence de la masse salariale sur les résultats sportifs paraît telle que la problématique de la relégation ne semble concerner que certains clubs de Ligue 1. C’est d’ailleurs ce que suggèrent les analyses fournies par la DNCG sur la question. Pourtant la réalité est parfois tout autre. Encore cette année, Toulouse et Lille, deux clubs installés depuis le début des années 2000 en Ligue 1, sont passés tout proche de la Ligue 2, le premier cité allant même jusqu’à disputer les barrages, lorsque Amiens et Strasbourg, sont venus déjouer les pronostics en assurant leur maintien. Il nous a semblé pertinent de compléter les analyses existantes par une granularité plus fine et une échelle de temps plus grande. Nous avons ainsi pu noter l’existence d’effets de seuil en termes de masse salariale ce qui offre un premier axe d’optimisation.
Dans cette situation, un dilemme se pose rapidement aux clubs. Choisir d’adopter une stratégie risquée en investissant l’essentiel des revenus supplémentaires générés en Ligue 1 pour tenter de conserver une place durement acquise, ou capitaliser précautionneusement en vue d’une probable relégation et se préparer à jouer les premiers rôles dans la lutte pour la montée la saison suivante. Cette seconde option peut paraître paradoxale à première vue, mais elle résulte d’un certain constat d’impuissance des promus face aux capacités financières et aux infrastructures des autres pensionnaires de Ligue 1.
Le développement des revenus (sponsoring, droits TV, billetterie…) se faisant sur plusieurs saisons, mettre en place et piloter une stratégie de rémunération adaptée nous semble la réponse la plus simple et efficace à court terme. Se pose la question de son adaptation spécifique à la situation des clubs concerné par une promotion/relégation.
Enfin l’analyse objective de l’environnement concurrentiel doit permettre également de fixer l’horizon de temps raisonnable dans lequel le club peut prétendre à se stabiliser dans l’élite. Lorsque Angers vend Toko Ekambi pour 20M€ et que Toulouse se maintient au détriment d’Ajaccio cela n’est pas sans conséquence pour les autres clubs en course pour le maintien la saison prochaine. Si les politiques de rémunération se font de façon totalement discrétionnaire au niveau individuel dans les directions des clubs, il est évident que la pression concurrentielle exercée par ses pairs en championnat est à prendre en compte lors de l’élaboration du budget accordé à la masse salariale.
Dans le graphique ci-dessus, nous avons voulu établir une cartographie des clubs de football professionnel en France entre les saisons 2006/2007 et 2016/2017. Sur cette période nous nous sommes concentré uniquement sur l’aspect sportif et sur l’expérience des clubs dans les 2 premières divisions. S’il existe un groupe permanent de 10 équipes en Ligue 1, nous nous sommes surtout intéressés aux clubs qui ont connu la montée et la relégation au cours des 10 dernières saisons. À cette échelle, il s’agit de la population des clubs de football français la plus nombreuse car sur la cinquantaine de club ayant disputé au moins une saison de Ligue 2, la moitié a disputé une saison dans les deux divisions. C’est également la population la plus fragile car 20% de ces clubs ont connu une liquidation judiciaire.
Dans notre premier article, nous nous attacherons à l’analyse de ce panorama concurrentiel autour de la situation de 3 clubs de Ligue 1. Et montrerons comment une triple temporalité est nécessaire pour comprendre la dynamique concurrentiel du football en France.